jeudi 31 mai 2012

Le "travail du bronze"


Voilà une question que l'on me pose souvent : " Comment faites-vous pour travailler le bronze" ?

Bien entendu, je ne travaille pas le bronze. La fonderie est un art difficile, long et méticuleux. Or, bien avant Jésus-Christ, nos ancêtres réalisaient déjà en bronze toutes sortes d’objets, outils, armes. Ils le faisaient si bien qu'on peut encore trouver des pièces de monnaie enfouies dans la terre depuis des siècles et qui n'ont pas rouillé.

Je vais essayer de résumer la longue série d'opérations compliquées que nécessite la réalisation d'un bronze à partir d'une terre cuite, ou tout autre matériau, selon la méthode de la cire perdue.

1 - Réalisation du moule élastomère (matière très élastique qui facilite le démoulage). C’est la prise d’empreinte de l’œuvre originale. Ce moule, en deux parties, recouvertes d'une coque de résine se nomme la chape.  

Les deux parties du moule assemblées on y coulera la cire en fine épaisseur (cette épaisseur correspondra à la fin des opérations à celle du bronze). On obtient une cire creuse. Cette pièce en cire doit être finement retouchée pour reproduire à l'identique la sculpture initiale. Je vous passe la difficile confection des jets et des évents qui vont permettre à la coulée de bronze d'occuper la place de la cire.

Ce moulage en cire va  ensuite être recouvert par coulée d'une gangue de céramique réfractaire.
On obtient le moule carapace.
Le décirage du moule carapace s’effectue au four pour fondre lentement la cire qui est à l'intérieur et l'évacuer, d’où le nom  de "cire perdue".

2 - Coulée du bronze

On prépare alors  l'alliage du bronze dont le dosage est très délicat.

On raconte que le fameux sculpteur Florentin Benvenuto Cellini faisait couler son bronze " Persée et la méduse" tout en dinant lorsque ses ouvriers affolés font irruption: «Maître la fonte est arrêtée !!»
Benvenuto constate que la dose d'étain est insuffisante pour assurer la fluidité du bronze. Sans hésiter il ramasse tous les plats d'étain sur la table et court les jeter dans le bain qui se figeait.  Aussitôt le bronze retrouve sa fluidité. La fonte est sauvée!

Vient enfin la merveilleuse et dangereuse coulée du bronze à plus de 1000 degrés. Dans l'atelier tout le monde retient son souffle dans la fascination pour regarder couler le métal incandescent qui doit être versé d'un seul jet.

Il reste à laisser refroidir et à débarrasser le bronze de sa coque et ses évents (décochage, ébarbage).
3 - Alors commence le travail du ciseleur. Travail long, délicat, difficile, dans lequel le sculpteur peut être emmené à intervenir.

4 - Puis le polissage et la patine. La patine dont dépend l'aspect final du bronze, est à elle seule tout un art. L'action du patineur est aussi mystérieuse que spectaculaire : un pinceau dans la main droite et un chalumeau dans la main gauche, il est le magicien des couleurs.

5 - C'est le moment de
numéroter l'œuvre
. Cette numérotation est règlementée par la loi et permet l'appellation d'œuvre d'art et de pièce originale pour les douze pièces concernées. Elle se pratique ainsi : Huit épreuves
numérotées de 1/8 à 8/8 plus quatre épreuves dites d'artiste numérotées en chiffres romains : I/IV à IV/IV

Lorsque toutes ces opérations auront été menées à bien, le bronze que vous achèterez sera doux et frais à caresser. Il deviendra un plaisir des yeux toujours renouvelé sans oublier que vous aurez réalisé un investissement durable.

Photo de Persée et la méduse :  Wikimedia Commons / Marie-Lan Nguyen
Photo de la coulée de bronze chez mon fondeur Barberi - Gérone

jeudi 24 mai 2012

« UNE TERRIBLE BEAUTE EST NEE » La « petite œuvre » d’Edward Munch qui était exposée au centre Pompidou mériterait bien cette appellation extraite d’un poème de Yeats.

 La toile se nomme : « Neige fraiche sur l’avenue. 1926. » Elle n’est pas grande (80 x 100 cm) Elle est très belle Elle inaugure la nouvelle peinture
 Elle est là, cette beauté terrible. Je ne l’avais encore jamais remarquée, saoulée que j’étais par ce « CRI » sans fin qui hurle sans pudeur sur tous les ponts, tous les murs.
 Elle s’étale sous nos yeux dans son éblouissante blancheur. Munch à lui tout seul ouvre grandes les portes à Matisse, Seurat, Monet, Picasso. Lui, le fou, l’oublié, l’avare de sa peinture qui repeignait encore et encore ses tableaux avant de s’en séparer. Tellement fasciné et si obsédé par son image qu’il se photographiait et se repeignait sans fin, portrait après portrait.
 Et je sentis que sa peinture, toute sa peinture, était un long « CRI » infini. La contemplation de ses toiles n’est pas recommandée aux personnes sensibles (semblables à Munch) :
- Les enfants mourants: sa sœur tuberculeuse
- Les veillées funèbres: toute la famille éplorée autour du lit de mort de sa mère. (Il avait 5 ans)
- La hantise de la folie de son père
- Toutes ces personnes terrorisées, hurlantes, les yeux exorbités, spectres crachant leur sang
Pour cette fois, faites vous violence: prenez votre temps, le temps de regarder tomber cette neige, d’écouter le crissement des pas de ces deux personnes qui semblent vouloir sortir de la toile au premier plan. Laissez-vous surprendre par la fraicheur des flocons qui se posent sur votre visage et que ce froid et ces couleurs vous soient bénéfiques.
 « Le temps passe si vite… » Voilà que la fabuleuse, la terrifiante exposition d’Edvard MUNCH (prononcer « mounk », il est Norvégien) est déjà terminée avant que j’aie pu vous en parler. Fort heureusement vous pouvez aller faire votre choix sur YOUTUBE. Quant à moi j’ai privilégié les documentaires sans commentaires, sans autre commentaire que la musique.
 Je vous recommande surtout « Munch, la danse de la vie » - film 1973 - sur AlloCiné. Une biographie très subjective des jeunes années du peintre norvégien expressionniste Edvard Munch, aux prises avec les conventions de la société... Réalisée par Peter Watkins, avec Geir Westby, qui présente une ressemblance quasi miraculeuse avec le jeune Munch.
 Vous trouverez aussi sur le net une grande quantité de commentaires sur sa célébrissime toile : « Le cri » Voici ce qu’il en dit lui-même :
 « je longeais le chemin avec deux amis. C’est alors que le soleil se coucha. Le ciel devint tout à coup rouge couleur sang. Je m’arrêtai et m’adossai épuisé à mort contre une barrière. Le fjord d’un noir bleuté et la ville étaient inondés de sang et ravagés par des langues de feu. Mes amis poursuivirent leur chemin tandis que je tremblais encore d’angoisse. Et je sentis que la nature était traversée par un long cri infini >>
 Au centre Pompidou une pièce entière est consacrée aux peintures de son œil malade! Et parmi ses dernières toiles, à la fin de sa vie, à la fin de l’expo, lui-même ravagé par la fièvre espagnole, ou encore debout à coté de son lit de mort.
Ses relations avec les femmes nous montrent un être agressif et épouvanté, ne parvenant pas à prendre la moindre distance avec l’image torturante de sa mère torturée, comme lui, par le souvenir du cadavre exsangue de sa petite sœur.
Heureusement lui est très beau, et il n’a pas hésité à le proclamer en se photographiant lui-même, de face et surtout de profil (germanique) à bout portant et à bras tendu (dans l’exposition du centre Pompidou, une salle entière était consacrée à ses autoportraits photographiques. Il s’est aussi filmé lui-même dès que sont arrivées sur le marché les premières petites caméras américaines Pathé-Baby. On pouvait voir des extraits de ses films dans la petite salle de projection de l’exposition.
Edward Munk est né en Décembre 1863 et il est mort en Janvier 1944. Son travail avait été qualifié de « dégénéré » par les nazis. Le 2 Mai prochain « Le cri » sera mis en vente aux enchères à New York. Son prix : environ 800 Millions de dollars. Il est aussi populaire que « La Joconde », souligne Sotheby’s …

mercredi 9 mai 2012

Interview de presse par Ana Santamaria

(Traduit de l'espagnol)

- Quand avez-vous décidé de vous consacrer au monde de l’art?
- Vers les 60 ans.

- Comment définiriez-vous votre style?
- Figuratif, contemporain… africain aussi.

- La sculpture, que vous a-t-elle apportée?
- Tout ce qui me manquait avant : découvrir ce qui pouvait sortir de mes mains… Incroyable, cette force!

- Le chemin de l’artiste est-il difficile?
- Pour moi il ne l’a pas été parce que dès que j’ai commencé à sculpter, j’ai commencé à vendre. Tout a été facile.

- Vous utilisez le bois, la résine, la cire, le plâtre… Beaucoup de matériaux. Pourquoi ? Quel est celui que vous préférez travailler ?
- Il y en a certains que je ne peux pas utiliser parce qu’ils sont trop lourds pour moi, car je veux pouvoir bouger moi-même les pièces que je travaille. Ce que je préfère, c’est la terre mais je l’utilise en attaquant le bloc, comme si c’était du bois ou de la pierre. J’enlève la terre au lieu de l’ajouter, aux antipodes de la technique dite de « la boulette ».

- Qu’elle est votre source d’inspiration?
- Le corps humain. Toujours le corps humain avec sa force et sa tendresse. J’aime les formes rondes. Les poses simples, les couples amoureux, tendrement enlacés.

- Y a-t-il une œuvre que vous aimeriez avoir réalisé vous-même?
- Oui, presque tous les Brancusi.

- Qu’est-ce qui vous parait le plus signifiant dans vos œuvres? Qu’est-ce qui les fait des pièces d’Adèle Vergé?
- Je crois que c’est la sensualité et la tendresse.

- Qu’est-ce qui est le plus difficile quand on est artiste?
- Peut-être le temps…Je n’ai jamais assez de temps.

- Une critique qui vous a particulièrement émue?
- Toutes les critiques de Jean-Michel Collet. Un homme qui sait voir, sentir et comprendre et surtout qui sait l’exprimer.

- Un souvenir?
- Le moulage de ma première "monumentale" le couple assis sur le banc. Ça c’est passé en famille avec une bande d’amis qui ont tous mis la main à la pâte. Et au final une vraie réussite !

- Une exposition qui vous a spécialement marquée?
- La première. Mon premier vernissage à la Fondation Sant Vicens. Un succès incroyable, complètement inespéré.

- L’œuvre préférée de votre collection?
- "Le couple assis sur un banc" Ils sont enlacés; ils attendent un enfant. C’est émouvant.

- Comment a réagi votre famille en apprenant que vous souhaitiez être artiste?
- Ils ont été enchantés, spécialement mon père.

- Pour vous, qu’est-ce que c’est l’art?
- La plus belle manière de vivre. Un accomplissement inespéré.

- Un rêve à réaliser?
- Ma vie me plait comme elle est. Je n’ai rien de mieux à réaliser.

- Si l’un de vos amis voulait devenir artiste que lui conseilleriez-vous?
- Je ne sais pas... de suivre son intuition je pense.

- Quelle est votre procédure pour la création d’une œuvre?
- Suivre son inspiration

- Y a-t-il un temps de maturation? Avez-vous un procédé habituel? Faites vous un croquis préalable? - Ça m’arrive mais ce n’est pas systématique. Toutefois si je veux faire une grande sculpture, je commence toujours par la réaliser en petit.

- Comment voyez-vous votre futur?
- Continuer à sculpter tant que mes forces me le permettront.